Le massacre d’Oran, juillet 1962
- Cyril Cavalié
- 11 avr. 2021
- 3 min de lecture
Cet extrait d’une chaîne de télévision israélienne m'inspire deux réflexions principalement.
D'abord qu'une foule en colère est capable de toutes les exactions, de la pire des cruautés et des stupidités. Nous en avons des exemples partout dans le monde et encore aujourd'hui, avec ou sans uniforme, en pantalon, en robe parce que les femmes ont montré elles aussi leur capacité de violence, ou en djellaba.
Deuxièmement, même s’il est bien difficile de prendre en compte toutes les causalités, n'en garder qu'une seule est franchement manipulateur.
C'est Napoléon III qui a mis la main sur l'Algérie pour en faire une colonie. Une colonie n'est rien d'autre qu'une pompe à siphonner les richesses d'une contrée en utilisant ses habitants considérés comme des sous-citoyens. Les richesses extraites ne l'ont été qu'au profit des grands industriels, des grands agriculteurs et des grands commerçants. L'écrasante majorité de la population métropolitaine n'en a jamais rien perçu, rien reçu. La colonisation a permis à d’immenses patrimoines de se constituer : la famille de Bernard-Henri Lévy a fait fortune dans les essences de bois tropicaux en Afrique, Michelin dans les plantations de caoutchouc d'Indochine, Bolloré continue de faire sa gratte avec les ports et les chemins de fer en Afrique de l'Ouest. Les indigènes ont été exploités jusqu'à épuisement, et les populations, tant indigènes que métropolitaines n’ont jamais vu la couleur de ces richesses spoliées.
Tout a été fait pour maintenir les populations locales à leur place de serviteurs des blancs.
Ainsi ce commentaire télévisé met l'accent sur la violence déchaînée des Arabes, sous-entendant leur sauvagerie et leur archaïsme, et même s’il l'évoque à quelques reprises, il ne met pas en évidence la responsabilité écrasante des autorités françaises qui ont choisi de laisser faire dans ce moment de transition où le nouveau pouvoir n'était pas encore installé. La haine accumulée a fait malheureusement le reste.
Les Pieds-Noirs ont constitué le maillon faible entre les grands possédants et les esclaves employés à leur service et comme d'habitude, ce sont les faibles qui paient les pots cassés.
La haine accumulée, mais pourquoi donc ? L’OAS, pro-coloniale, continuait ses attentats malgré le traité signé en avril 1962 entre la France et l’Algérie, lui reconnaissant son indépendance.
Dommage que le commentaire n'ait pas non plus rappelé le comportement de l'armée française à de nombreuses reprises au cours des années où elle s'est comportée comme une armée d'occupation. Pourtant, beaucoup de ses cadres avaient connu les gouvernements de Pétain et d’Hitler. Même s'il ne voulait pas remonter jusqu'au massacre de nombreux villageois au moment de l’ère du Second Empire, il aurait pu mentionner au moins le 8 mai 1945.
Ce 8 mai 1945, c'est le jour de la fin de la guerre en Europe dans laquelle les tirailleurs algériens et les tirailleurs sénégalais ont payé un lourd tribut en termes de tués au combat : bataille de France en 1940, puis le Tchad, la Libye, l’Italie, la libération en 1944, la route a été longue et sanglante. La population civile de Sétif a proclamé sa joie et s'est regroupée en manifestation pour demander pacifiquement l'indépendance de l'Algérie. Ce à quoi il leur est répondu à coups de fusils et de mitrailleuses. Bilan pour la journée : entre 3 000 morts (fourchette basse) et 30 000 (fourchette haute).
Massacres de Sétif, Guelma et Kherrata
Idem en 1944 à Thiaroye au Sénégal.
Massacre de Thiaroye — Wikipédia
Des nègres et des bougnoules, c'est ainsi que les peuples d’Afrique étaient considérés. De la chair à canon en temps de guerre, et jamais leur sang et leur peine n’ont été ménagés. De la chair à exploiter en temps de paix dans les mines, les usines, les champs, traitée à la hauteur du mépris qui leur était manifesté. Il ne faut pas s'étonner que ce genre d'attitude et la violence qui y était associée se soient accumulées au fil des injustices.
Évidemment, quand on reprend tout ça, on trouve que c'est long et pas très fun par rapport à une information qui, sortie de son contexte, garde toute sa puissance émotionnelle. Mais c'est comme ça que les Pouvoirs en place nous manipulent : en appuyant sur le ressort de l'émotion qui court-circuite le pourquoi des choses.
Salut & fraternité !
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