Vaccins et autres hors d’œuvres
- michelpinardon
- 12 juil. 2021
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12 juillet 2021

Après avoir écouté l'allocution du président de la République ce soir, il y a comme un malaise dans l'air. La pluie qui ne finit pas de dégouliner depuis cet après-midi accroît encore la sensation d'étouffement. Les portes sont closes sur le climat glaçant. Les contraintes abjectes qui ne veulent pas dire leur nom augmentent leur pression. La population est séparée en deux camps : d'un côté, les bons citoyens qui obéissent aux injonctions sanitaires "Deux doses sinon rien et vite une troisième pour faire bon poids", civiques jusqu'au bout de la course du piston dans la seringue. Et puis les mauvais citoyens, ceux qui ont peur, ceux qui s'en fichent des autres et d'abord des plus vulnérables. Ceux qui ne pensent qu'à leur sale gueule, indignes d'appartenir à notre société puisqu'ils foulent de leurs pieds sales les règles communes. Les mauvais, les vicieux, les tarés. Les pue-de-la-gueule et les bas-du-plafond. Vilaine engeance qui grouillait encore il y a moins de deux ans de façon anonyme et que le projecteur allumé par la crise sanitaire éclaire enfin crûment.
Depuis des mois, on sentait bien monter la rancœur des bons citoyens. Elle croissait de façon régulière, ne suivant pas la courbe fluctuante des contaminations et des confinements successifs, mais au contraire en suivant un crescendo imperturbable. Aujourd'hui, nous n'en sommes probablement pas encore à son acmé, mais les gros mots sont d'ores et déjà lâchés sur les chaînes d'information qui sont à l'information ce que le Cinéma des Armées est au cinéma.
Emmanuel Lechypre sur RMC :
Ce que je trouve inquiétant, c'est maintenant les comparaisons quasi-permanentes avec le nazisme qui s'établissent dans mon esprit. Oh là, tu débloques à pleins tuyaux, mon gars, nous n'en sommes pas là ! Te voilà à dégainer ton point Godwin comme un vrai parano ! Ben oui, c'est sûr, je débloque, je débloque... Je me raisonne et puis rien à faire, j'y reviens inexorablement, ou plutôt c'est le nazisme qui me remonte comme une sardine à l'huile pas digérée. Je repense à Victor Klemperer, tu vois qui c'est ? Un juif allemand, professeur de philologie en Allemagne dans les années 30. La philologie est l'étude d'une langue à partir de documents écrits. Un spécialiste de la langue, et plus particulièrement du bas-latin, ce qui en fait un romaniste. Philologue et romaniste, n'en jetez plus. Brillant, le type. Respecté par ses collègues et par les étudiants. Et puis en 1933, les nazis sont arrivés au pouvoir, et progressivement, Klemperer a vu ses heures de cours diminuer, et puis les étudiants sont devenus de plus en plus rares pour suivre son enseignement, et puis ses collègues ont commencé à prendre leurs distances avec lui. Un jour, il lui a été signifié qu'il lui serait désormais interdit d'enseigner, ainsi que tous ses collègues non-aryens.
Il est donc resté chez lui et comme il n'avait plus rien à faire, il a eu l'idée d'appliquer ses connaissances philologiques à la dialectique employée par les nazis. Il a donc, au péril de sa vie qui n'avait pourtant pas besoin de dangers supplémentaires, rédigé chaque jour des feuillets sur le langage officiel qui imprégnait aussi les conversations courantes. Les feuillets étaient cachés au fur et à mesure chez des amis sûrs, ils ont constitué l'ouvrage paru en 1947 intitulé "LTI, Lingua Tertii Imperii", autrement dit, la langue du Troisième Reich.

Travail accompli au jour le jour jusqu'en 1945, parce qu'il s'en est sorti vivant de tout ce bazar. In extremis, c'est vrai, très amaigri, et pas loin de partir en train pour Auschwitz et sans son chat juif que les nazis ont euthanasié (ces choses-là ne s'inventent pas). Son histoire est trouvable facilement, pas la peine de la détailler ici. Je rapporte tout cela pour dire que c'est avec les mots qu'on façonne la pensée et qu'en employer certains et pas d'autres n'est jamais un acte neutre. C'est de cette manière que les nazis ont convaincu une majorité d'Allemands de les élire puis de les suivre jusqu'à leur effondrement de 1945 (mais pas leur disparition, hélas).
En 1949, George Orwell a repris l'idée dans son roman "1984" (au fait, est-ce une coïncidence si on en reparle autant depuis quelques temps ?) Son "newspeak" (novlangue dans la traduction française) fait référence à l'appauvrissement du sens des mots sélectionnés par la caste dominante à l'usage des dominés.
Et aujourd'hui ? Il n'est pas encore question de camp de concentration, et les seuls camps pudiquement baptisés de "rétention" sont à ce jour réservés à l'usage exclusif des migrants en situation irrégulière. Cependant, ce soir, un pas dans la restriction de la liberté a encore été franchi : la catégorie des citoyens non vaccinés ne bénéficiera plus des droits fondamentaux d'aller et de venir librement, ni de s'arrêter quand bon leur chante dans un lieu public quel qu’il soit, y compris un hôpital. Au prétexte inattaquable de la sécurité sanitaire, il est maintenant exigé que 95% de la population soit vaccinée,c'est à dire tout le monde. On pourrait imaginer que les 50% actuels qui ont reçus leur dose seraient dispensés des précautions exigées depuis 18 mois, pas du tout ! Ces malheureux sont obligés de garder les mêmes distances, porter les mêmes accessoires de protection, et de ne pas déroger aux précautions générales requises. Les chaînes d'info et de grande écoute n'y trouvent rien à redire.
Le ministre de la Santé Olivier Véran annonce ce soir que le personnel de santé qui ne sera pas vacciné ne pourra plus travailler ni ne percevra de salaire. Le Monde annonce que depuis, il se présente 20 000 demandes chaque minute. Il fallait commencer par là : une menace du bâton bien assénée et le troupeau se remet en marche.
-A quoi sert un vaccin qui ne protège pas, tu peux me le dire ?
-Ah, t'es trop bête, il permet de limiter de 95% les complications dues au Covid.
-D'accord, mais dans ce cas, il n'y a plus lieu de s'inquiéter ! Il devient l'équivalent d'une grippette de rien du tout, on ne va pas s'empêcher de vivre pour ça, non ? Oui mais l'Europe a acheté 500 millions de doses, peut-être qu'il ne faudrait pas qu'elles restent sur les bras de l'Europe, c'est lourd à porter 500 millions de doses et c'est terriblement encombrant en plus. Déjà qu'on est embêté avec l'AstraZeneca qui a tendance à un peu trop abîmer les vaccinés. C'est idiot d'être en bonne santé, de craindre pour sa vie avec le covid, de se faire vacciner et de crever finalement du vaccin, sans parler des effets secondaires parfois bien ennuyeux eux aussi. Les experts disent que le rapport avantage/risque reste très positif, on voit qu'ils ne sont pas concernés.
Ce soir, ce n'est pas la nuit qui est la plus noire, Ce qui est le plus noir, c'est l’œil de Big Brother scrutant les portes closes. Et cette pluie qui ne cesse pas.








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